[H. Thoreau,
Walden ou la vie dans les bois]
L'existence que mène généralement les hommes, en est une de tranquille désespoir. (...) Si l'on considère ce qui, pour employer les termes du catéchisme, est la fin principale de l'homme, et de que sont les véritables
besoins de l'existence, il semble que ce soit de préférence à tout autre, que les hommes, après mûre réflexion, aient choisi leur mode ordinaire de vivre. Toutefois, ils croient honnêtement que nul choix ne leur est laissé. Mais les natures alertes et saines ne perdent pas de vue que le soleil s'est levé clair. Il n'est jamais trop tard pour renoncer à nos préjugés. Nulle façon de penser ou d'agir, si ancienne soit-elle, ne saurait être acceptée sans preuve. Ce que chacun répète en écho ou passe sous silence comme vrai aujourd'hui peut demain se révéler mensonge, simple fumée d'opinion.
(...) Il se déverse dans le monde un incessant torrent de nouveauté, en dépit de quoi nous souffrons une incroyable torpeur. Qu'il me suffise de mentionner le genre de sermons qu'on écoute encore dans les pays les plus éclairés. Il y a des mots comme joie et douleur, mais ce ne sont que le refrain d'un psaume, chanté d'un accent nasillard, tandis que nous croyons en l'ordinaire et le médiocre. Nous nous imaginons ne pouvoir changer que d'habits.