jeudi 17 septembre 2009

Nietzsche et Spinoza

[Nietzsche, Lettre à Franz Overbeck, Sils-Maria, le 30 juillet 1881]

"Je suis très étonné, ravi ! J’ai un précurseur et quel précurseur ! Je ne connaissais presque pas Spinoza. Que je me sois senti attiré en ce moment par lui relève d’un acte "instinctif". Ce n’est pas seulement que sa tendance globale soit la même que la mienne : faire de la connaissance l’affect le plus puissant - en cinq points capitaux je me retrouve dans sa doctrine ; sur ces choses ce penseur, le plus anormal et le plus solitaire qui soit, m’est vraiment très proche : il nie l’existence de la liberté de la volonté ; des fins ; de l’ordre moral du monde ; du non-égoïsme ; du Mal. Si, bien sûr, nos divergences sont également immenses, du moins reposent-elles plus sur les conditions différentes de l’époque, de la culture, des savoirs. In summa : ma solitude qui, comme du haut des montagnes, souvent, souvent, me laisse sans souffle et fait jaillir mon sang, est au moins une dualitude. - Magnifique !"

mercredi 16 septembre 2009

Société de consommation

[Baudrillard, La société de consommation]

- Le coût majeur de la société de consommation est le sentiment d'insécurité généralisé qu'elle engendre.
- Seuil de patinage où tout le surcoût de productivité passe à entretenir les condition de survie du système.
- Absurdité du PNB qui additionne tout et n'importe quoi (tout ce qui est mesurable).
- Baisse de 30% de la luminosité de l'air à Paris.
- Les locomotives de l'économie sont les nuisances compensées, les coûts internes de fonctionnement, les frais d'endorégulation dysfonctionnelle.
- Comme la société du moyen-âge s'équilibrait sur Dieu et sur le diable, ainsi la notre s'équilibre sur la consommation et sa dénonciation.

Le chercheur d'or

[Le Clézio, Le chercheur d'or]

Et c'est bien pour cela que
je suis à bord du Zeta, comme
suspendu entre le ciel et la mer:
non pour oublier - que peut-on oublier ?
- mais pour rendre la mémoire vaine, inoffensive, pour que cela glisse et passe comme un reflet.

L'éthique

[Spinoza, L'Ethique]

Préface de Roland Caillois:
- La réponse qu'apporte la philosophie à l'homme est une réponse satisfaisante, non une nouvelle et éternelle question à Dieu.
- Le salut de l'homme est dans l'Union (connaissance claire et distincte de ce qui est) à Dieu (la réalité/ce qui est en vérité = Deus sive natura).
- L'athéisme de Spinoza est la compréhension de Dieu comme nature de toute chose. C'est un Dieu théologique conceptualisé jusqu'au bout.
- L'esprit est l'expression intellectuelle du corps, qui est l'expression étendue de l'âme.
- Pour Spinoza, la passion (envahissement de l'être par le monde non humain / conscience du sentiment de puissance d'être, de joie) se fonde sur la triade : Désir (essence de l'homme qui cherche à être soi, se réaliser en action), Joie (augmentation de la puissance d'agir), Tristesse (diminution de la puissance d'agir.
- Le Bien et le Mal ne sont que des manières de penser qui doivent disparaître avec la connaissance de ce qui est.
- Avant d'atteindre le niveau de l'être, le Bien = ce que nous savons avec certitude nous être utile, le Mal = ce qui nous prive de ce bien.
- Sentiment de puissance d'être, vie, conservation = Joie qui atteint sa plus grande intensité dans le comprendre
- Spinoza s'oppose à la vision tragique du christianisme Pascalien :
- La pensée qui agit, la puissance connaissante, s'oppose au cri sans fin vers le Responsable qui veut notre salut dans la douleur, qui veut que l'homme n'éprouve de la joie que dans le sacrifice de soi.
- L'homme libre vit dans un profond accord avec la nature infinie parce qu'il la comprend et se comprend en elle.
- Spinoza édifie une sagesse stoïcienne sur le contenu chrétien réformé.
La religion des prophètes est la discipline des peuples dans l'enfance, dont l'obéissance aux lois est la seule vertu.
"L'existence de Dieu et son essence sont une seule et même chose"
"L'Amour est la Joie accompagnée de l'idée d'une cause extérieur"
"L'espoir naît de la sécurité"
"Le désespoir naît de la crainte"
"L'Envie est le contraire de la miséricorde"
"La Gloire est le contraire de la Honte"
"La bienveillance est le désir de faire du bien à celui dont nous avons pitié"
"L'humanité est la modestie, faire ce qui plaît aux hommes"
"L'ambition est le désir immodéré de gloire"
"La servitude est l'incapacité de l'homme à gouverner ses sentiments"

4.46. Qui vit sous la conduite de la raison s'efforce, autant qu'il peut, de compenser par l'amour (générosité), la haine, le mépris, etc. d'un autre envers lui.
4.47. Les sentiments d'espoir et de craintes ne peuvent être bons par eux même
4.50. La pitié chez l'homme qui vit sous la conduite de la raison est par elle même mauvaise et inutile
4.52. La satisfaction intérieur qui naît de la raison est la plus grande qui puisse être
4.73. L'homme qui est conduit par la raison est plus libre dans l'Etat où il vit selon le décret commun, que dans la solitude où il n'obéit qu'à lui seul.

mercredi 22 juillet 2009

Piqûre de rappel

La bonne humeur a quelque chose de généreux : elle donne plutôt qu'elle ne reçoit. (Alain)
Le pessimisme est d'humeur ; l'optimisme est de volonté. (Alain)
Il faut tenir pour maxime indubitable que les difficultés que nous avons avec notre prochain viennent plutôt de nos humeurs que d'autre chose. (St Vincent de Paul)
Si vous voulez que la vie vous sourie, apportez-lui d'abord votre bonne humeur. (Spinoza)

mardi 21 juillet 2009

Légèreté et pesanteur

[Kundera, L'insoutenable légèreté de l'être]

S'ils étaient resté ensemble plus longtemps, peut être auraient ils commencé à comprendre peu à peu les mots qu'ils prononçaient. Leur vocabulaire se serait pudiquement et lentement rapproché comme des amants très timides, et leur musique à tous deux aurait commencé à se fondre dans la musique de l'autre. Mais il était trop tard.

Le kitsch fait naître tour à tour deux larmes d'émotion. La première larme dit : Comme c'est beau, de gosses courant sur une pelouse ! La deuxième larme dit : Comme c'est beau, d'être ému avec toute l'humanité à la vue de gosses courant sur une pelouse ! Seule cette deuxième larme fait que le kitsch est le kitsch. La fraternité de tous les hommes ne pourra être fondée que sur le kitsch.

Tereza caresse la tête de Karénine qui repose paisiblement sur ses genoux. Elle se tient à peu près ce raisonnement : Il n'y a aucun mérite à bien se conduire avec ses semblables [...] On ne pourra jamais déterminer avec certitude dans quelle mesure nos relations avec autrui sont les résultat de nos sentiments, de notre amour ou non-amour, de notre bienveillance ou haine, et dans quelle mesure elles sont d'avance conditionnées par les rapports de force entre individus. La vrai bonté de l'homme ne peut se manifester en toute pureté et en toute liberté qu'à l'égard de ceux qui ne représentent aucune force. Le véritable test moral de l'humanité, ce sont ses relations avec ceux qui sont à sa merci : les animaux. Et c'est ici que s'est produite la faillite fondamentale de l'homme, si fondamentale que toutes les autres en découlent. [...] Le monde a donné raison à Descartes.
J'ai toujours devant les yeux Tereza assise sur une souche, elle caresse la tête de Karénine et songe à la faillite de l'humanité. En même temps, une autre image m'apparaît : Nietzsche sort d'un hôtel de Turin. Il aperçoit devant lui un cheval et un cochet qui le frappe à coups de fouets. Nietzsche s'approche du cheval, il lui prend l'encolure entre les bras sous les yeux du cochet et il éclate en sanglots. [...] Nietzsche était venu demander au cheval pardon pour Descartes. Sa folie (donc son divorce avec l'humanité) commence à l'instant où il pleure sur le cheval.
Et c'est la le Nietzsche que j'aime, de même que j'aime Tereza [...] ils s'écartent tous deux de la route où l'humanité, "maître et possesseur de la nature", poursuit sa marche en avant.

En son for intérieur, elle lui reprochait toujours de ne pas l'aimer assez. Elle considérait que son amour à elle était au-dessus de tout reproche, mais que son amour à lui était une simple condescendance.

On a tous tendance à voir dans la force un coupable et dans la faiblesse une innocente victime. [...] La souffrance de Tereza était une souffrance agressive qui le forçait chaque fois à capituler, jusqu'au moment où il avait cessé d'être fort.

jeudi 16 juillet 2009

Tiqqun

[Comité Invisible, L'insurrection qui vient]

Notre histoire est celle des colonisations, des migrations, des guerres, des exils, de la destruction de tous les enracinements. C’est l’histoire de tout ce qui a fait de nous des étrangers dans ce monde, des invités dans notre propre famille. Nous avons été expropriés de notre langue par l’enseignement, de nos chansons par la variété, de nos chairs par la pornographie de masse, de notre ville par la police, de nos amis par le salariat. À cela s’ajoute, en France, le travail féroce et séculaire d’individualisation par un pouvoir d’État qui note, compare, discipline et sépare ses sujets dès le plus jeune âge, qui broie par instinct les solidarités qui lui échappent afin que ne reste que la citoyenneté, la pure appartenance, fantasmatique, à la République. Le Français est plus que tout autre le dépossédé, le misérable. Sa haine de l’étranger se fond avec sa haine de soi comme étranger.

mercredi 15 juillet 2009

"On"

[Heidegger, L'être et le temps]

«Le distancement caractéristique de l'être-avec-autrui implique que I'être-là se trouve dans son être-en-commun quotidien sous l'emprise d'autrui. Il n'est pas lui-même, les autres l'ont déchargé de son être. Les possibilités d'être quotidiennes de l'être-Ià sont à la discrétion d'autrui. Autrui, en ce cas, n'est pas quelqu'un de déterminé. N'importe qui, au contraire, peut le représenter. Seule importe cette domination subreptice d'autrui, à laquelle l'être-là, dans son être-avec-autrui, s'est déjà soumis. Soi-même, on appartient à autrui et l'on renforce son empire. « Les autres », que l'on nomme ainsi pour dissimuler le fait que l'on est essentiellement l'un d'eux, sont ceux qui, dans l'existence commune quotidienne, se trouvent " être là " de prime abord et le plus souvent. [...l
En usant des transports en commun ou des services d'information (des journaux par exemple), chacun est semblable à tout autre. Cet être-en-commun dissout complétement I'être-là qui est mien dans le mode d'être d' "autrui", en telle sorte que les autres n'en disparaissent que davantage en ce qu'ils ont de distinct et d'expressément particulier. Cette situation d'indifférence et d'indistinction permet au " On " de développer sa dictature caractéristique. Nous nous amusons, nous nous distrayons, comme on s'amuse; nous lisons, nous voyons, nous jugeons de la littérature et de l'art, comme on voit et comme on juge : et même nous nous écartons des " grandes foules " comme on s'en écarte ; nous trouvons " scandaleux " ce que l'on trouve scandaleux. Le " On " qui n'est personne de déterminé et qui est tout le monde, bien qu'il ne soit pas la somme de tous, prescrit à la réalité quotidienne son mode d'être. […]
Le " On " se mêle de tout, mais en réussissant toujours à se dérober si l'être-Ià est acculé à quelque décision. Cependant, comme il suggère en toute occasion le jugement à énoncer et la décision à prendre, il retire à I'être-Ià toute responsabilité concrète. Le " 0n " ne court aucun risque à permettre qu'en toute circonstance on ait recours à lui. Il peut aisément porter n'importe quelle responsabilité, puisque à travers lui personne jamais ne peut être interpellé. On peut toujours dire : on l'a voulu, mais on dira aussi bien que " personne " n'a rien voulu.»

vendredi 26 juin 2009

Lucy in the Sky with Diamonds

[Dr Hoffman, LSD mon enfant terrible]

I share the belief of many of my contemporaries that the spiritual crisis pervading all spheres of Western industrial society can be remedied only by a change in our world view. We shall have to shift from the materialistic, dualistic belief that people and their environment are separate, toward a new conciousness of an all-encompassing reality, which embraces the experiencing ego, a reality in which people feel their oneness with animate nature and all of creation.

jeudi 7 mai 2009

La vie sans principes

[Thoreau, Walden ou la vie dans les bois]

Pourquoi serions-nous si désespérément pressés de réussir, et dans de si désespérées entreprises ? S'il nous arrive de ne point marcher au pas de nos compagnons, la raison n'en est-elle que nous entendons un tambour différent ? Allons suivant la musique que nous entendons quels qu'en soient la mesure ou l'éloignement. Il n'importe pas que nous mûrissions aussi vite qu'un pommier ou un chêne. Changerons-nous notre printemps en été ? Si l'état de choses pour lequel nous sommes faits n'est pas encore, quelle serait la réalité à lui substituer ? Nous n'irons pas faire naufrage sur une réalité vaine. Erigerons-nous avec peine un ciel de verre bleu au-dessus de nous, tout en étant sûrs, lorsqu'il sera fait, de lever les regards encore vers le vrai ciel éthéré loin au-dessus, comme si le premier n'existait pas ?

L'Unique !

[Stirner, L'Unique et sa propriété]

Le divin regarde Dieu, l'humain regarde l'Homme. Ma cause n'est ni divine ni humaine, ce n'est ni le vrai, ni le bon, ni le juste, ni le libre, c'est — le Mien; elle n'est pas générale, mais — unique, comme je suis unique. Rien n'est, pour Moi, au-dessus de Moi!

La question, désormais, n'est plus de savoir comment conquérir la vie, mais comment la dépenser et en jouir ; il ne s'agit plus de faire fleurir en moi le vrai moi, mais de faire ma vendange et de consommer ma vie.

On dit de Dieu : « Les noms ne le nomment pas. » Cela est également juste de Moi : aucun concept ne m'exprime, rien de ce qu'on donne comme mon essence ne m'épuise, ce ne sont que des noms. On dit encore de Dieu qu'il est parfait et n'a nulle vocation de tendre vers une perfection. Et Moi ?

Si je base ma cause sur Moi, l'Unique, elle repose sur son créateur éphémère et périssable qui se dévore lui-même, et je puis dire : Je n’ai basé ma cause sur Rien.

jeudi 26 mars 2009

Déserts essentiels

[David Toop, Ocean of Sound]

Varèse : "Les déserts me parlent, non seulement les déserts physiques de sable, de mer, de montagnes et de neige, de l'espace, des rues vides de la ville (...) mais aussi cet espace intérieur reculé qu'aucun télescope ne peut atteindre, où l'homme est seul dans un monde de mystère et de solitude essentielle"

La solitude humaine

[Malraux, La condition humaine]

"Je ne la connais que dans la mesure où je l'aime. On ne possède d'un être que ce qu'on change en lui."

"Il s'enfonçait en lui même comme dans cette ruelle de plus en plus noire."

"On entend la voix des autres avec ses oreilles, la sienne avec la gorge. Oui. Sa vie aussi, on l'entend avec la gorge, et celle des autres ?...Il y avait d'abord la solitude, la solitude immuable derrière la multitude mortelle comme la grande nuit primitive derrière cette nuit dense et basse sous quoi guettait la ville déserte, pleine d'espoir et de haine. Mais pour moi, pour la gorge, que suis-je ? Une espèce d'affirmation absolue, d'affirmation de fou : une intensité plus grande que celle de tout le reste. Pour les autres, je suis ce que j'ai fait. L'étreinte par laquelle l'amour maintient les êtres collés l'un à l'autre contre la solitude, ce n'était pas à l'homme qu'elle apportait son aide; c'était au fou, au monstre incomparable, préférable à tout, que tout être est pour soi-même et qu'il choie de son coeur."
"Les hommes ne sont pas mes semblables, ils sont ceux qui me regardent et me jugent ; mes semblables, ce sont ceux qui m'aiment et ne me regardent pas, qui m'aiment contre tout, qui m'aiment contre la déchéance, contre la bassesse, contre la trahison, moi et non ce que j'ai fait ou ferai, qui m'aimeraient tant que je m'aimerais moi-même - jusqu'au suicide, compris..."

Hommeéostasie

[Laborit, Eloge de la fuite]

L'amour : "Il fournit une tunique honorable à l'assassin, à la mère de famille, au prêtre, au militaire. (...) Il dissimule sous un voile prétendument désintéressé, voire transcendant, la recherche
de dominance et le prétendu instinct de propriété"


L'organisme recherche l'homéostasie. Le seul comportement inné est l'action gratifiante. D'où la nécessité de s'approprier les objets et êtres gratifiants, d'instaurer et de maintenir un
lien de dominance, une hiérarchie.

"Tout se qui s'oppose à une action gratifiante donne naissance au sentiment d'angoisse et se trouve à l'origine des affections psychosomatiques".
"L"humanité devrait se promener à poil"
"Le mot Amour ne peut rien contre les pulsions les plus primitives, pas plus que le mot bouclier ne peut arrêter les balles."
"Aimer l'autre devrait vouloir dire que l'on admet qu'il puisse vivre conformément à son système de gratification et non conformément au notre"
"On naît, on vit, on meurt seul au monde, enfermé dans sa structure biologique qui n'a qu'une raison d'être, celle de se conserver. La mémoire et l'apprentissage font pénétrer les autres dans cette structure, et au niveau de l'organisation du moi, elle n'est plus qu'eux."

Remède contre le sommeil dogmatique

[Hume, Enquête sur l'entendement humain]

"Donnez libre cours à votre passion pour la science, mais faites que votre science soit humaine et telle qu'elle puisse se rapporter directement à l'action et à la société. J'interdis la pensée abstruse et les recherches profondes et je les punirai sévèrement par la pensée mélancolique qu'elles introduisent, par l'incertitude infinie dans laquelle elles vous enveloppent et par la froideur de l'accueil que rencontrent vos prétendues découvertes quand vous les communiquerez. Soyez philosophe, mais au milieu de toute votre philosophie, soyez toujours un homme" (la nature)

"La pensée la plus vive est encore inférieure à la sensation la plus terne"

"3 principes de connexion entre les idées : ressemblance, contiguïté (de temps et d'espace), causalité"

mercredi 25 mars 2009

To be, or not to be

[Shakespeare, Hamlet (3/1)]

To be, or not to be: that is the question:
Whether 'tis nobler in the mind to suffer
The slings and arrows of outrageous fortune,
Or to take arms against a sea of troubles,
And by opposing end them? To die: to sleep;
No more; and by a sleep to say we end
The heart-ache and the thousand natural shocks
That flesh is heir to, 'tis a consummation
Devoutly to be wish'd. To die, to sleep;
To sleep: perchance to dream: ay, there's the rub;
For in that sleep of death what dreams may come
When we have shuffled off this mortal coil,
Must give us pause: there's the respect
That makes calamity of so long life;
For who would bear the whips and scorns of time,
The oppressor's wrong, the proud man's contumely,
The pangs of despised love, the law's delay,
The insolence of office and the spurns
That patient merit of the unworthy takes,
When he himself might his quietus make
With a bare bodkin? who would fardels bear,
To grunt and sweat under a weary life,
But that the dread of something after death,
The undiscover'd country from whose bourn
No traveller returns, puzzles the will
And makes us rather bear those ills we have
Than fly to others that we know not of?
Thus conscience does make cowards of us all;
And thus the native hue of resolution
Is sicklied o'er with the pale cast of thought,
And enterprises of great pith and moment
With this regard their currents turn awry,
And lose the name of action.

La générosité

[R. Descartes, Les passions de l'âme]

Art. 153. En quoi consiste la générosité.
Ainsi je crois que la vraie générosité, qui fait qu’un homme s’estime au plus haut point qu’il se peut (446) légitimement estimer, consiste seulement partie en ce qu’il connaît qu’il n’y a rien qui véritablement lui appartienne que cette libre disposition de ses volontés, ni pourquoi il doive être loué ou blâmé sinon pour ce qu’il en use bien ou mal, et partie en ce qu’il sent en soi-même une ferme et constante résolution d’en bien user, c’est-à-dire de ne manquer jamais de volonté pour entreprendre et exécuter toutes les choses qu’il jugera être les meilleures. Ce qui est suivre parfaitement la vertu.

Le vin des chiffonniers

[Baudelaire, Les Fleurs du mal]

Pour noyer la rancoeur et bercer l'indolence
De tous ces vieux maudits qui meurent en silence,
Dieu, touché de remords, avait fait le sommeil ;
L'Homme ajouta le Vin, fils sacré du Soleil !

Solitude et création

[F. Nietzsche, IX. aph 296, Par delà le Bien et le Mal]

Nous éternisons ce qui ne veut plus vivre ni voler très longtemps, des choses exténuées et trop mures! Et c'est seulement pour votre après-midi, ô mes pensées écrites et peintes, que j'ai des couleurs, beaucoup de couleurs peut-être, beaucoup de teintes délicates, des jaunes, des bruns, des verts et des rouges par centaines : mais nul, à vous voir, ne devinera votre éclat matinal, étincelles subites et merveilles de ma solitude, mes vieilles, mes chères - mauvaises pensées !

Du haut des cimes

[Friedrich Nietzsche, Postlude de Par-delà le Bien et le Mal]

Ô midi de la vie, ô l’heure solennelle,
Jardin d’été!
Bonheur impatient, aux aguets, dans l’attente :
J’espère mes amis, nuit et jour, bras ouverts!
Où vous attardez-vous? Venez, il est grand temps!

N’était-ce pas pour vous que le gris du glacier,
Ce matin, s’est paré de rose?
C’est vous que le torrent cherche en sa course errante,
Vents et nuées, là-haut, dans l’azur s’entrechoquent
Et gagnent, pour vous mieux guetter,
Leur aire la plus élevée.

Ma table fut pour vous dressée sur les sommets.
Qui donc vit plus près des étoiles
Et tout près, cependant, du tréfonds des abîmes?
Quel royaume jamais eut pareille étendue?
Et mon miel, qui peut y goûter?

Vous voici, mes amis. Hélas! ce n’est pas moi
Que vous cherchez? Vous hésitez, surpris?
Insultez-moi, plutôt. Dites, n’est-ce plus moi?
Ai-je changé de main, de pas et de visages?
Ce que j’étais, amis, ne le suis-je donc plus?

Je serais donc un autre? À moi-même étranger,
À moi-même échappé?
Lutteur qui trop souvent dut se vaincre lui-même,
Et trop souvent raidi contre sa propre force,
Fut blessé, enchaîné par sa propre victoire?

Je cherchais où soufflaient les plus âpres des vents,
J’appris à vivre où nul ne gîte,
Aux lieux déserts que hante l’ours du pôle?
J’oubliai l’homme et Dieu, blasphèmes et prières,
Je devins un fantôme, habitant des glaciers?

Ô mes anciens amis, vous pâlissez soudain,
Pleins de tendresse et d’épouvante.
Allez donc, sans rancune! Hélas, vous ne sauriez
Vivre au pays perdu des glaces et des roches.
Ici l’on est chasseur, et pareil au chamois.

Je me suis fait chasseur cruel. Voyez cet arc,
Voyez-en la corde tendue!
Seul le plus fort pouvait lancer un trait pareil.
Mais hélas! cette flèche est mortelle entre toutes.
Partez, éloignez-vous, si la vie vous est chère.

Vous me fuyez? Ô cœur, que n’as-tu supporté!
Ferme est restée ton espérance.
À de nouveaux amis ouvre grandes tes portes,
Renonce à tes amis d’antan, aux souvenirs!
Tu fus jeune? À présent tu sais mieux être jeune.

Le lien qui nous liait d’une même espérance,
Qui peut en déchiffrer les signes effacés?
Signes pâlis, jadis tracés par la tendresse,
Pareils au parchemin consumé par le feu
Que la main n’ose plus saisir, - noircis, brûlés!

Plus d’amis! Mais plutôt – ah! comment les nommer?
–Des fantômes d’amis! Parfois encor, la nuit,
J’entends des doigts heurter à mon cœur, à ma vitre;
On me regarde et l’on me dit : « C’est nous, pourtant! »
Mots fanés, mais où meurt comme un parfum de rose.

Jeunes rêves, hélas! si pleins d’illusion!
Ceux vers qui j’ai crié dans l’élan de mon âme,
Ceux que j’ai crus pareils à moi, régénérés,
Un maléfice les retient : ils sont trop vieux!
Ceux qui savent changer sont seuls de mon lignage.

Ô midi de la vie, ô seconde jeunesse,
Jardin d’été!
Bonheur impatient, aux aguets, dans l’attente :
J’espère mes amis, nuit et jour, bras ouverts!
Ô mes nouveaux amis, accourez, il est temps!

L’hymne ancien s’est tu. Le doux cri du désir
Expira sur mes lèvres.
Un enchanteur parut, à l’heure fatidique,
L’ami du plein midi – non, ne demandez pas
Quel il est : à midi l’un s’est scindé en deux.

Célébrons, assurés d’une même victoire,
La fête entre toutes les fêtes.
Zarathoustra est là, l’ami, l’hôte des hôtes!
Le monde rit, l’affreux rideau s’est déchiré,
Voici que la Lumière a épousé la nuit!

mercredi 11 mars 2009

Approche de la Solitude

« Le grand homme est comme l'aigle ; plus il s'élève, moins il est visible, et il est puni de sa grandeur par la solitude de l'âme. » Stendhal

« On peut tout acquérir dans la solitude, hormis du caractère. » Stendhal

« Rien ne peut être fait dans la solitude. » Picasso

« Celui qui a vécu jusqu'au bout l'orgueil de la solitude n'a plus qu'un rival : Dieu. » Cioran

« C'est dans les villes les plus peuplées que l'on peut trouver la plus grande solitude. » Racine

« Le défaut le plus répandu de notre type de formation et d'éducation : personne n'apprend, personne n'aspire, personne n'enseigne... à supporter la solitude. » Nietzsche

« La solitude et le sentiment de n'être pas désiré sont les plus grandes pauvretés. » Mère Teresa

« Même dans la solitude, ne dis ni ne fais rien de blâmable. Apprends à te respecter beaucoup plus devant ta propre conscience que devant autrui. » Démocrite

« Toute production importante est l'enfant de la solitude. » Goethe

« C'est à trop voir les êtres sous leur vraie lumière qu'un jour ou l'autre nous prend l'envie de les larguer. La lucidité est un exil construit, une porte de secours, le vestiaire de l'intelligence. C'en est aussi une maladie qui nous mène à la solitude. » Léo Ferré

« On croit que la solitude est la meilleure façon de se connaître, c'est une erreur que la vie se charge, tôt ou tard de réfuter. » Yvon Rivard

« Le cynisme de l'extrême solitude est un calvaire qu'atténue l'insolence. » Cioran