jeudi 7 mai 2009

La vie sans principes

[Thoreau, Walden ou la vie dans les bois]

Pourquoi serions-nous si désespérément pressés de réussir, et dans de si désespérées entreprises ? S'il nous arrive de ne point marcher au pas de nos compagnons, la raison n'en est-elle que nous entendons un tambour différent ? Allons suivant la musique que nous entendons quels qu'en soient la mesure ou l'éloignement. Il n'importe pas que nous mûrissions aussi vite qu'un pommier ou un chêne. Changerons-nous notre printemps en été ? Si l'état de choses pour lequel nous sommes faits n'est pas encore, quelle serait la réalité à lui substituer ? Nous n'irons pas faire naufrage sur une réalité vaine. Erigerons-nous avec peine un ciel de verre bleu au-dessus de nous, tout en étant sûrs, lorsqu'il sera fait, de lever les regards encore vers le vrai ciel éthéré loin au-dessus, comme si le premier n'existait pas ?

L'Unique !

[Stirner, L'Unique et sa propriété]

Le divin regarde Dieu, l'humain regarde l'Homme. Ma cause n'est ni divine ni humaine, ce n'est ni le vrai, ni le bon, ni le juste, ni le libre, c'est — le Mien; elle n'est pas générale, mais — unique, comme je suis unique. Rien n'est, pour Moi, au-dessus de Moi!

La question, désormais, n'est plus de savoir comment conquérir la vie, mais comment la dépenser et en jouir ; il ne s'agit plus de faire fleurir en moi le vrai moi, mais de faire ma vendange et de consommer ma vie.

On dit de Dieu : « Les noms ne le nomment pas. » Cela est également juste de Moi : aucun concept ne m'exprime, rien de ce qu'on donne comme mon essence ne m'épuise, ce ne sont que des noms. On dit encore de Dieu qu'il est parfait et n'a nulle vocation de tendre vers une perfection. Et Moi ?

Si je base ma cause sur Moi, l'Unique, elle repose sur son créateur éphémère et périssable qui se dévore lui-même, et je puis dire : Je n’ai basé ma cause sur Rien.