jeudi 26 mars 2009

Déserts essentiels

[David Toop, Ocean of Sound]

Varèse : "Les déserts me parlent, non seulement les déserts physiques de sable, de mer, de montagnes et de neige, de l'espace, des rues vides de la ville (...) mais aussi cet espace intérieur reculé qu'aucun télescope ne peut atteindre, où l'homme est seul dans un monde de mystère et de solitude essentielle"

La solitude humaine

[Malraux, La condition humaine]

"Je ne la connais que dans la mesure où je l'aime. On ne possède d'un être que ce qu'on change en lui."

"Il s'enfonçait en lui même comme dans cette ruelle de plus en plus noire."

"On entend la voix des autres avec ses oreilles, la sienne avec la gorge. Oui. Sa vie aussi, on l'entend avec la gorge, et celle des autres ?...Il y avait d'abord la solitude, la solitude immuable derrière la multitude mortelle comme la grande nuit primitive derrière cette nuit dense et basse sous quoi guettait la ville déserte, pleine d'espoir et de haine. Mais pour moi, pour la gorge, que suis-je ? Une espèce d'affirmation absolue, d'affirmation de fou : une intensité plus grande que celle de tout le reste. Pour les autres, je suis ce que j'ai fait. L'étreinte par laquelle l'amour maintient les êtres collés l'un à l'autre contre la solitude, ce n'était pas à l'homme qu'elle apportait son aide; c'était au fou, au monstre incomparable, préférable à tout, que tout être est pour soi-même et qu'il choie de son coeur."
"Les hommes ne sont pas mes semblables, ils sont ceux qui me regardent et me jugent ; mes semblables, ce sont ceux qui m'aiment et ne me regardent pas, qui m'aiment contre tout, qui m'aiment contre la déchéance, contre la bassesse, contre la trahison, moi et non ce que j'ai fait ou ferai, qui m'aimeraient tant que je m'aimerais moi-même - jusqu'au suicide, compris..."

Hommeéostasie

[Laborit, Eloge de la fuite]

L'amour : "Il fournit une tunique honorable à l'assassin, à la mère de famille, au prêtre, au militaire. (...) Il dissimule sous un voile prétendument désintéressé, voire transcendant, la recherche
de dominance et le prétendu instinct de propriété"


L'organisme recherche l'homéostasie. Le seul comportement inné est l'action gratifiante. D'où la nécessité de s'approprier les objets et êtres gratifiants, d'instaurer et de maintenir un
lien de dominance, une hiérarchie.

"Tout se qui s'oppose à une action gratifiante donne naissance au sentiment d'angoisse et se trouve à l'origine des affections psychosomatiques".
"L"humanité devrait se promener à poil"
"Le mot Amour ne peut rien contre les pulsions les plus primitives, pas plus que le mot bouclier ne peut arrêter les balles."
"Aimer l'autre devrait vouloir dire que l'on admet qu'il puisse vivre conformément à son système de gratification et non conformément au notre"
"On naît, on vit, on meurt seul au monde, enfermé dans sa structure biologique qui n'a qu'une raison d'être, celle de se conserver. La mémoire et l'apprentissage font pénétrer les autres dans cette structure, et au niveau de l'organisation du moi, elle n'est plus qu'eux."

Remède contre le sommeil dogmatique

[Hume, Enquête sur l'entendement humain]

"Donnez libre cours à votre passion pour la science, mais faites que votre science soit humaine et telle qu'elle puisse se rapporter directement à l'action et à la société. J'interdis la pensée abstruse et les recherches profondes et je les punirai sévèrement par la pensée mélancolique qu'elles introduisent, par l'incertitude infinie dans laquelle elles vous enveloppent et par la froideur de l'accueil que rencontrent vos prétendues découvertes quand vous les communiquerez. Soyez philosophe, mais au milieu de toute votre philosophie, soyez toujours un homme" (la nature)

"La pensée la plus vive est encore inférieure à la sensation la plus terne"

"3 principes de connexion entre les idées : ressemblance, contiguïté (de temps et d'espace), causalité"

mercredi 25 mars 2009

To be, or not to be

[Shakespeare, Hamlet (3/1)]

To be, or not to be: that is the question:
Whether 'tis nobler in the mind to suffer
The slings and arrows of outrageous fortune,
Or to take arms against a sea of troubles,
And by opposing end them? To die: to sleep;
No more; and by a sleep to say we end
The heart-ache and the thousand natural shocks
That flesh is heir to, 'tis a consummation
Devoutly to be wish'd. To die, to sleep;
To sleep: perchance to dream: ay, there's the rub;
For in that sleep of death what dreams may come
When we have shuffled off this mortal coil,
Must give us pause: there's the respect
That makes calamity of so long life;
For who would bear the whips and scorns of time,
The oppressor's wrong, the proud man's contumely,
The pangs of despised love, the law's delay,
The insolence of office and the spurns
That patient merit of the unworthy takes,
When he himself might his quietus make
With a bare bodkin? who would fardels bear,
To grunt and sweat under a weary life,
But that the dread of something after death,
The undiscover'd country from whose bourn
No traveller returns, puzzles the will
And makes us rather bear those ills we have
Than fly to others that we know not of?
Thus conscience does make cowards of us all;
And thus the native hue of resolution
Is sicklied o'er with the pale cast of thought,
And enterprises of great pith and moment
With this regard their currents turn awry,
And lose the name of action.

La générosité

[R. Descartes, Les passions de l'âme]

Art. 153. En quoi consiste la générosité.
Ainsi je crois que la vraie générosité, qui fait qu’un homme s’estime au plus haut point qu’il se peut (446) légitimement estimer, consiste seulement partie en ce qu’il connaît qu’il n’y a rien qui véritablement lui appartienne que cette libre disposition de ses volontés, ni pourquoi il doive être loué ou blâmé sinon pour ce qu’il en use bien ou mal, et partie en ce qu’il sent en soi-même une ferme et constante résolution d’en bien user, c’est-à-dire de ne manquer jamais de volonté pour entreprendre et exécuter toutes les choses qu’il jugera être les meilleures. Ce qui est suivre parfaitement la vertu.

Le vin des chiffonniers

[Baudelaire, Les Fleurs du mal]

Pour noyer la rancoeur et bercer l'indolence
De tous ces vieux maudits qui meurent en silence,
Dieu, touché de remords, avait fait le sommeil ;
L'Homme ajouta le Vin, fils sacré du Soleil !

Solitude et création

[F. Nietzsche, IX. aph 296, Par delà le Bien et le Mal]

Nous éternisons ce qui ne veut plus vivre ni voler très longtemps, des choses exténuées et trop mures! Et c'est seulement pour votre après-midi, ô mes pensées écrites et peintes, que j'ai des couleurs, beaucoup de couleurs peut-être, beaucoup de teintes délicates, des jaunes, des bruns, des verts et des rouges par centaines : mais nul, à vous voir, ne devinera votre éclat matinal, étincelles subites et merveilles de ma solitude, mes vieilles, mes chères - mauvaises pensées !

Du haut des cimes

[Friedrich Nietzsche, Postlude de Par-delà le Bien et le Mal]

Ô midi de la vie, ô l’heure solennelle,
Jardin d’été!
Bonheur impatient, aux aguets, dans l’attente :
J’espère mes amis, nuit et jour, bras ouverts!
Où vous attardez-vous? Venez, il est grand temps!

N’était-ce pas pour vous que le gris du glacier,
Ce matin, s’est paré de rose?
C’est vous que le torrent cherche en sa course errante,
Vents et nuées, là-haut, dans l’azur s’entrechoquent
Et gagnent, pour vous mieux guetter,
Leur aire la plus élevée.

Ma table fut pour vous dressée sur les sommets.
Qui donc vit plus près des étoiles
Et tout près, cependant, du tréfonds des abîmes?
Quel royaume jamais eut pareille étendue?
Et mon miel, qui peut y goûter?

Vous voici, mes amis. Hélas! ce n’est pas moi
Que vous cherchez? Vous hésitez, surpris?
Insultez-moi, plutôt. Dites, n’est-ce plus moi?
Ai-je changé de main, de pas et de visages?
Ce que j’étais, amis, ne le suis-je donc plus?

Je serais donc un autre? À moi-même étranger,
À moi-même échappé?
Lutteur qui trop souvent dut se vaincre lui-même,
Et trop souvent raidi contre sa propre force,
Fut blessé, enchaîné par sa propre victoire?

Je cherchais où soufflaient les plus âpres des vents,
J’appris à vivre où nul ne gîte,
Aux lieux déserts que hante l’ours du pôle?
J’oubliai l’homme et Dieu, blasphèmes et prières,
Je devins un fantôme, habitant des glaciers?

Ô mes anciens amis, vous pâlissez soudain,
Pleins de tendresse et d’épouvante.
Allez donc, sans rancune! Hélas, vous ne sauriez
Vivre au pays perdu des glaces et des roches.
Ici l’on est chasseur, et pareil au chamois.

Je me suis fait chasseur cruel. Voyez cet arc,
Voyez-en la corde tendue!
Seul le plus fort pouvait lancer un trait pareil.
Mais hélas! cette flèche est mortelle entre toutes.
Partez, éloignez-vous, si la vie vous est chère.

Vous me fuyez? Ô cœur, que n’as-tu supporté!
Ferme est restée ton espérance.
À de nouveaux amis ouvre grandes tes portes,
Renonce à tes amis d’antan, aux souvenirs!
Tu fus jeune? À présent tu sais mieux être jeune.

Le lien qui nous liait d’une même espérance,
Qui peut en déchiffrer les signes effacés?
Signes pâlis, jadis tracés par la tendresse,
Pareils au parchemin consumé par le feu
Que la main n’ose plus saisir, - noircis, brûlés!

Plus d’amis! Mais plutôt – ah! comment les nommer?
–Des fantômes d’amis! Parfois encor, la nuit,
J’entends des doigts heurter à mon cœur, à ma vitre;
On me regarde et l’on me dit : « C’est nous, pourtant! »
Mots fanés, mais où meurt comme un parfum de rose.

Jeunes rêves, hélas! si pleins d’illusion!
Ceux vers qui j’ai crié dans l’élan de mon âme,
Ceux que j’ai crus pareils à moi, régénérés,
Un maléfice les retient : ils sont trop vieux!
Ceux qui savent changer sont seuls de mon lignage.

Ô midi de la vie, ô seconde jeunesse,
Jardin d’été!
Bonheur impatient, aux aguets, dans l’attente :
J’espère mes amis, nuit et jour, bras ouverts!
Ô mes nouveaux amis, accourez, il est temps!

L’hymne ancien s’est tu. Le doux cri du désir
Expira sur mes lèvres.
Un enchanteur parut, à l’heure fatidique,
L’ami du plein midi – non, ne demandez pas
Quel il est : à midi l’un s’est scindé en deux.

Célébrons, assurés d’une même victoire,
La fête entre toutes les fêtes.
Zarathoustra est là, l’ami, l’hôte des hôtes!
Le monde rit, l’affreux rideau s’est déchiré,
Voici que la Lumière a épousé la nuit!

mercredi 11 mars 2009

Approche de la Solitude

« Le grand homme est comme l'aigle ; plus il s'élève, moins il est visible, et il est puni de sa grandeur par la solitude de l'âme. » Stendhal

« On peut tout acquérir dans la solitude, hormis du caractère. » Stendhal

« Rien ne peut être fait dans la solitude. » Picasso

« Celui qui a vécu jusqu'au bout l'orgueil de la solitude n'a plus qu'un rival : Dieu. » Cioran

« C'est dans les villes les plus peuplées que l'on peut trouver la plus grande solitude. » Racine

« Le défaut le plus répandu de notre type de formation et d'éducation : personne n'apprend, personne n'aspire, personne n'enseigne... à supporter la solitude. » Nietzsche

« La solitude et le sentiment de n'être pas désiré sont les plus grandes pauvretés. » Mère Teresa

« Même dans la solitude, ne dis ni ne fais rien de blâmable. Apprends à te respecter beaucoup plus devant ta propre conscience que devant autrui. » Démocrite

« Toute production importante est l'enfant de la solitude. » Goethe

« C'est à trop voir les êtres sous leur vraie lumière qu'un jour ou l'autre nous prend l'envie de les larguer. La lucidité est un exil construit, une porte de secours, le vestiaire de l'intelligence. C'en est aussi une maladie qui nous mène à la solitude. » Léo Ferré

« On croit que la solitude est la meilleure façon de se connaître, c'est une erreur que la vie se charge, tôt ou tard de réfuter. » Yvon Rivard

« Le cynisme de l'extrême solitude est un calvaire qu'atténue l'insolence. » Cioran